Depuis que j'ai découvert la photo officielle du Président, je n'en reviens pas... (pour info, voici le site du photographe qui l'a réalisée : http://www.phwarrin.book.fr/).
On n'a guère fait mieux dans le mauvais goût depuis très longtemps. Un mauvais goût qui tend vers le tragique et l'inquiétant.
Tout est artificiel dans cette photo. Le personnage est séparé de la bibliothèque (fermée, trop bien rangée), elle-même séparée des deux drapeaux qui paraissent incongrus — on croirait presque à une caricature. En effet, les drapeaux et la bibliothèque prennent plus d'importance que le personnage, si bien que même debout, il fait “petit”. Quant à la lumière, dirigée à la manière “d’une poursuite” d’entrée d’acteur en scène, elle éclaire plus et mieux les drapeaux que l’homme !
Enfin, la surface blanche du drapeau, deux fois plus importante que le visage, vient encore renforcer cette sensation : homme et drapeaux ont la même attitude — et l’un renvoie à l’autre par clonage.
Mais le comble, c'est que par sa position, le personnage est amputé d'un bras et d'une main. Il fallait oser (bien que je ne pense pas que cela soit intentionnel de la part du photographe...) et je n'ai pu m’empêcher de penser au poème de Rimbaud, “Les Assis” :
Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l'œil du fond des corridors !
Puis ils ont une main invisible qui tue :
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l'œil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez pris dans un atroce entonnoir.
Tout, dans cette image est stratifié et ordonné, mais sans aucune cohésion. Ce qui fait que l'image paraît flatteuse au premier regard mais nauséabonde dès qu'on la “voit” telle qu'elle est vraiment. Car la main invisible, c’est celle qui tient la photo (si je puis dire) : une fois qu'on a remarqué son absence, on ne voit plus qu’elle — la main du pouvoir, celle qui fait monter les drapeaux et fermer les bibliothèques…