Chris Jordan,Midway: Message from the Gyre, 2009.
Ce voyageur ailé qu’on ne reconnaît pas, gisant mort sur le sable, c’est un albatros, ou plutôt un jeune albatros : quelques plumes éparses, des os blanchis par l’action conjuguée du soleil et du sel, et beaucoup de plastique. Cette image fait partie d’une série réalisée par le photographe Chris Jordan dans l’atoll de Midway, une fine bande de corail et de sable au milieu du Pacifique Nord, entre Amérique et Asie, devenu un véritable cimetière pour ces oiseaux, jadis fous d’azur.
Ce sont ses parents qui l’ont empoisonné. Vastes oiseaux des mers, ils rapportent à leur progéniture briquets, bouchons, brosses à dents… qui flottent à la surface de l’eau.
Chris Jordan prend bien soin de ne rien modifier de ce qu’il découvre sur place, de ne rien déplacer ni rien ajouter à cette terrible réalité. Des dizaines de milliers de ces jeunes oiseaux meurent chaque année dans ce petit archipel. La démarche de photographe est militante et tend à dénoncer les travers de la société de consommation dans chacune de ses créations.
Au large de l’atoll, les courants tournants et les vents créent un piège dans lequel se retrouve une immense quantité de rejets. Cette plaque de déchets ou vortex d’ordures, qui double tous les dix ans et atteint aujourd’hui une superficie supérieure à celle de la France, ne condamne pas que les oiseaux. Sa dégradation formant un substitut au zooplancton, elle empoisonne les organismes marins et fragilise la biodiversité. Seul un changement radical de nos comportements pourrait les sauver.
Le travail de Chris Jordan est présenté dans le cadre des Photaumnales de Beauvais où une quarantaine de photographes dénoncent les dommages causés par l’activité humaine. Des images saisissantes d’inventivité.
Retrouvez dans Télérama et sur telerama.fr la critique de Luc Desbenoit.
À voir: Terra Nostra, le temps de l’anthropocène, 16e édition des Photaumnales, Beauvais (60), jusqu’au 5 janvier. Entrée libre. Rens. : 03 44 15 67 00. ©Chris Jordan