jeudi 18 mai 2023

Le souvenir d'une route

 La générosité luxuriante de la végétation à la Martinique est stupéfiante.

 Il suffit de s’arrêter simplement en bordure des chemins et déjà elle offre ce qu’elle a de plus fertile, abondant, touffus, si près, à porter de la main et du regard.

La contempler et c’est un peu de Césaire ou d’Asturias qui me remonte à l’esprit et au cœur, « quand j’ouvre la cage de mes paupières »....

« Justice au paysage !  C’est lui le crieur encore lui »












        ©jean-luc de laguarigue (droits réservés)

vendredi 12 mai 2023

Histoire d’une photo, Joseph et son mulet Papillon

 

Pour son dernier livre Le vent du Nord dans les fougères glacées, Patrick Chamoiseau a utilisé la photographie de Joseph Tandavarayen remontant, accompagné de son âne, le morne vers son jardin créole. Papillon, car c’est ainsi qu’il se nomme, ayant pour charge le transport du fumier à la montée et, au retour, la récolte de la moisson.

La photographie a été réalisée en 1999 au morne des Esses, sur les hauteurs de Sainte-Marie là où se situe l’action du roman, la vie de Bouliano.


Au moment de son choix Patrick Chamoiseau n’était pas informé du lieu où la photographie a été faite.

Néanmoins si ce détail reste anecdotique, de l’image il dira :


« Lorsque je découvris cette photo, il y a déjà quelques années, ce qui m’est venu à l’esprit c’est que cet homme pourrait parfaitement être un conteur. Pourquoi ? D’abord, parce que c’était sociologiquement plausible. Ensuite, parce qu’il y a dans cette captation toute la poésie archaïque de son accoutrement, les vieilles hardes, le mulet, le bât, le chargement de l’animal… Ce sont des choses que l’on ne voit pratiquement plus. Ensuite, il y a la dimension poétique de la scène. On dirait qu’il émerge d’un brouillard spectral. Enfin, il y a toute l’intensité végétale qui remplit le fond autour de lui, et que la petite pluie transforme en un paysage de légende. Cela donne un paysage de plantes complètement emmêlées, paysage très particulier, très étrange et en même temps très familier, quelque chose d’onirique…


La composition de cette photo crée un effet poétique qui me paraît correspondre à l’état d’esprit supposé des grands conteurs anciens. Au moment où ces derniers se trouvaient dans le prosaïque de leurs tâches quotidiennes, ils devaient cultiver une rêverie permanente, développer ainsi un imaginaire créatif extrêmement puissant…


Dans cette photo, M. de Laguarigue a réussi la transfiguration d’un paysage ordinaire, la transfiguration d’une simple remontée de jardin. Et comme nous savons que les photographes sont ceux qui voient et qui révèlent ce qui nous est invisible, ce que nous ne voyons pas, il était clair pour moi que ce bougre en haillons était potentiellement un conteur. C’est en regardant longtemps cette photo que j’ai pu imaginer le vieux conteur, Bouliano Nérélé Isiklaire, qui allait mourir dans « Le vent du nord… »


Il nous est de moins en moins donné à voir, il est vrai, sur nos routes et dans les campagnes, un agriculteur accompagné de sa bête ; scène de vie qui faisait encore partie de notre quotidien dans les années quatre-vingt.


L’âne ou le mulet peut être utilisé parfois sur les mornes là ou la voiture, le Pick-up ou « la bachée », comme on dit chez nous, n’a plus accès.


Un photographe ne fait jamais une seule photo d'un sujet même si celle qu’il choisit de diffuser vient en quelque sorte avaler les autres. Travaillant toujours par série et le temps passant, 24 années maintenant depuis la première parution de cette image dans mon livre Tracées de Mélancolies (édité en 2000—épuisé), je suis retourné à l’examen de ma planche contact. J’y redécouvre les deux images suivantes qui viennent en quelque sorte boucler la boucle : le passage de profil et toujours sous la pluie de Joseph et Papillon, ou l’on note la synchronisation du pas de l’homme et celui de la bête, ainsi que leur peine.

La dernière image est celle ou la montée du morne se termine, la pluie a soudainement cessé comme c’est souvent le cas ici. L’image est en contre-jour, le ciel est encore chargé, le poids pour l’animal, augmenté de celui de l’eau, semble plus lourd. La récolte n’est plus loin et l’épreuve, pour un moment, arrive à son terme.





© jean-luc de Laguarigue, tous droits réservés

mercredi 3 mai 2023

NORD-PLAGE 2023

En 2014 je publiais l’ouvrage Nord-Plage, Requiem pour une île. 

De retour sur les lieux il y a peu, je redécouvre le quartier, dans sa partie haute et basse, qui est totalement évacué, les maisons détruites.

Reste le chemin de croix et la vierge, 

quelques carrelages,

le vent et son charroi de sel.