Une capitale qui s’évade vers la mer, cintrée de collines faites d’une végétation encore généreuse. Bien que construite principalement de maisons hautes et basses, des immeubles de tailles moyennes commencent à émerger. Dans sa densité l’ensemble fait désordre et sur la photographie on a du mal à imaginer les axes de circulations ; du reste, chose impossible aujourd’hui, aucune voiture n’apparaît. Sur les balcons, aux fenêtres et dans le lointain pas une forme humaine, aucune silhouette, animal ou passant ne vient se dessiner. La ville à quelque chose de fantomatique, sur les murs spectraux pas une affiche, pas une réclame peinte ne figure ; elle ressemble à une maquette à un Lego dispersé. Elle est irréelle pour le regard d’aujourd’hui et pourtant elle pèse comme une favela, comme un bidonville.
Quelques baraques de bois au toit de tuiles sont déjà poussées vers l’extérieure, ou vers la sortie comme on voudra. Tiendront-elles longtemps ?
C’est midi, le soleil allume les tôles, blanchit le reste et durcit les ombres.
Le clocher de la cathédrale fait une échancrure sur l’eau ; on croirait une crevasse traversant la baie vers la langue de terre en face. Les bateaux ont une allure militaire.
Je reconnais la ville, je ne sais la dire et pourtant elle m’émeut.
Je ne la vois pas mais je l’entends. (Fort-de-France, août 1957.)
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© Jean-Luc de Laguarigue. Fort-de-France 1957 |